Pour moi la vie a toujours été une expérience franchement compliquée, angoissante et chelou. J’ai été expulsée de ma chère maman et débrouille toi avec ça bébé. Cependant à force de tenter des trucs, lire, discuter et réfléchir je pense avoir appris des choses plutôt utiles, que j’aurais aimé connaître plus tôt, mais tant pis. Je pensais faire une liste de 31 conseils pour 31 ans mais je n’ai pas pu pour une seule bonne raison : je déteste les listes de conseils pour trentenaires. Ça sent toujours l’injonction à la réussite droitisante, toujours sur le même modèle couple / startup / propriété. Je n’ai pas envie d’intéresser les winners mais de causer avec mes semblables, les personnes qui cherchent encore le vaisseau qui les ramènerait à leur planète d’origine (ceci n’est pas une métaphore utérine) mais qui ne se plaisent pas non plus si mal sur cette terre à force d’adaptation. Je partage donc une liste (j’aime les listes) à lire comme tu veux, si tu veux, mais sache que j’y ai mis toute ma bienveillance.

• Tout conseil n’est pas bon à prendre selon de qui il vient, au risque de faire n’importe quoi. Fais confiance à ton instinct. Donc tu peux même t’arrêter de lire maintenant si tu le sens pas.
• Être adulte c’est surtout finir sa propre éducation vu que tes parents auront forcément foiré quelque part, même avec la meilleure volonté au monde. Tu peux même couper le contact s’ils ont vraiment déconné car tu ne leur dois rien, pas même la vie.
• Être une meuf adulte c’est de rendre compte que le féminisme est indispensable à sa vie et qu’il aurait du l’être depuis longtemps. Lis King Kong Théorie si ce n’est pas déjà fait, c’est la base, et ensuite tout ce que tu pourras, il y a de quoi !
• Tu n’es pas obligée d’être en couple et encore moins avec un homme, ni d’avoir des enfants. Ça a l’air de rien dit ainsi mais si tu approches les 31 ans tu sais à quel point le contrôle social est fort là dessus (ah les fameux comptes à rendre en repas de famille …). Par contre si tu as ces envies pour construire ta vie fonce, mais ce n’est pas obligatoire.
• Le monde ne t’attendra pas, donc si tu as quelque chose à dire ou montrer vas y ! (Pourquoi je me suis retrouvée à écrire ici hein.) La course aux like et aux followers peut décourager mais il y a un monde au delà de ces validations en ligne, expose dans un bar, fabrique des fanzines à diffuser dans ta librairie préférée, colle tes dessins sur les murs de la rue, publie ton boulot même dans un coin secret d’internet, comme tu veux, mais personne ne viendra te chercher donc lance toi.
• Je ne suis pas spécialement adepte du « vis chaque jour comme s’il était le dernier de ta vie » car je trouve ça angoissant (l’angoisse est mon mode de fonctionnement par défaut) mais évite de trop repousser ce qui te tient à cœur. Ne vise pas la perfection, ça peut bloquer, juste fais, demande conseil et corrige si besoin, mille fois si nécessaire, mais fais le. Idem pour les trucs quotidiens plus ou moins relou (courses, ménage, factures, impôts), le plus tôt est le mieux histoire de vite passer à autre chose.
• Il n’est jamais trop tard pour vivre sa « meilleure vie » (ou quelque chose qui y ressemble), même et surtout si tes jeunes années ont été abîmées par les problèmes de santé mentale, physique ou des traumas. J’ai décidé de repartir quasi à zéro dans ma tête à 30 ans et même si j’ai pas encore fini ma crise existentielle c’était la meilleure décision (verdict quand la dite crise sera passée mais sans regrets).
• On ne vit sa meilleure vie qu’avec les meilleures personnes. Le tri dans ses relations est nécessaire, même s’il s’agit d’une personne qui est dans ta vie depuis dix ans. Ça brûle bien la gueule sur le coup mais c’est tellement salvateur. Ne te brade jamais pour personne, sous aucun prétexte. Aucune relation ne fonctionne sainement si l’on passe son temps à se raboter, s’excuser d’être soi (voire carrément subir humiliations, insultes, cris, violences physiques, sexuelles etc. Ça s’appelle une relation toxique et il faut FUIR. Même si ça peut être compliqué, vu que pour rappel les personnes qui agissent ainsi savent qu’elles peuvent se le permettre, une certaine impunité, mais crois moi il y a toujours une porte de sortie qu’on trouve seule ou bien entourée.) Et une fois que la relation est terminée : on ne stalke pas la personne, ça ne fait que remuer le coup dans la plaie inutilement.
• Les meilleures relations sont celles où l’on communique. Là aussi j’ai l’impression d’enfoncer une porte ouverte mais vraiment, une relation avec une personne de confiance (voir point précédent) est une relation où on peut parler de tout, poser ses limites, exprimer ses doutes. Personne n’est télépathe et projeter ses attentes dans le vide n’amène à rien de bon. J’aurais vraiment aimé qu’on me le martèle plus jeune mais : tes besoins sont légitimes, et tu mérites d’être aimée et respectée, sans négociation, donc exprime toi.
• Tu n’as pas à subir n’importe quel sujet de discussion et jugement, surtout quand il s’agit de se moquer de tes idées féministes, voire du fait que tu es une femme, bi/lesbienne, précaire etc. Bref, une bête de foire pour des personnes qui te demandent de justifier ton droit de vivre. Manie le mute / block sur Facebook et Twitter et à esquive IRL dès que tu peux, quitte à passer pour une connasse qui « refuse le dialogue » (et surtout valider des idées dégueulasses) : tu n’as pas le temps.
• L’injonction à la beauté et la minceur partout tout le temps c’est de la merde culpabilisante. Ce n’est pas forcément facile de s’en défaire tant elles sont partout (y compris chez les « body positive » qui au final reproduisent aussi des normes) mais on y gagne tellement en confiance en soi. Beauté Fatale de Mona Chollet et le manifeste de Gras Politique sont des incontournables. Sois indulgente envers ton corps, tu l’as à vie, et il a tout autant le droit d’exister que celui des autres, même s’il n’est pas dans les normes.
• Bien manger et bien dormir c’est important, crois moi, surtout après 25 ans quand tu commenceras à passer à la caisse pour tes excès passés. C’est très précieux pour ta santé physique et mentale aussi. Et arrête de picoler le premier jus de raisin mutant frelaté de passage et découvre le vin naturel. C’est un voyage qui en vaut la peine, pour moins cher qu’un aller/retour à New York (sauf si tu décides de sacrifier ton PEL pour te constituer une belle cave, mais sache que je te respecterais).
• Autre point santé incontournable : les dépistages d’IST et les protections contre celles ci. Et oui, même en 2018 c’est un rappel qui me semble nécessaire, puisque les mecs cis qui chipotent à mettre une capote « parce que ça serre trop et on sent rien » existent encore. Si jamais le résultat est positif : plein d’IST peuvent se soigner si elles sont prises à temps, et ça ne fait pas de toi une mauvaise personne, sale (questionnons l’utilisation du mot « clean » sérieux), irresponsable (faux puisque tu as fais cette démarche) et une salope (le slut-shaming c’est moche). La série de podcasts « Qui m’a filé la chlamydia ? » d’Anouk Perry pour Nouvelles Ecoutes fait un bien fou sur le sujet.
• On gagne mieux sa vie quand on est payée en conséquence. Amie artiste et/ou freelance : tu me comprendras (sauf si ton proprio accepte de te loger « pour se faire de la pub », la mienne veut toujours pas).
• Aime toi du mieux que tu peux. Pardonne toi de ne pas toujours avoir été à la hauteur de tes besoins. Tu as fait ce que tu as pu et on ne change pas le passé. Deviens l’amie ou la grande sœur que tu aurais aimé avoir quand ça n’allait pas. Accorde du temps pour toi seule, le téléphone sur silencieux, les mails fermés, à te faire un masque, lire, regarder un film ou une série, rêvasser avec ou sans but, offre toi des cadeaux, des récompenses après une journée difficile, écris toi des mots d’encouragement dans ton agenda si ça te fait du bien. Garde de l’adolescence le goût de la rébellion et de l’indépendance mais maintenant que tu es dans la trentaine tu peux aussi t’apaiser, renforcer tes bases, tes convictions, parce que la colère c’est autant un moteur qu’un épuisement, et tu n’as plus d’autorisation à demander à qui que ce soit pour mener ta vie.