Il y a deux ans, j’ai commencé « A never-ending date ». J’ai découvert un truc auquel je suis devenue vite accro : m’asseoir dans le salon d’un inconnu avec l’autorisation de lui poser n’importe quelle question. Depuis plusieurs années déjà, je passe un temps assez déraisonnable à me documenter sur le fonctionnement de mondes parfois microscopiques, et extérieurs au mien : les groupes de passionnés de reptiles, les forums de pilotes d’avion, les pêcheurs en mer sur youtube, les successman américains qui font des app…
Presque tous les soirs, je lis une tonne de témoignages sur reddit et plus les histoires sont personnelles, ordinaires, plus elles me touchent. Quand je rencontre quelqu’un, je suis plus intéressée par ce qu’il mange au petit-déjeuner que par son métier.
Un matin, en rangeant un carton qui traînait, je suis retombée sur une vieille radio de ma colonne vertébrale, et en voyant la date, j’ai vite fait le calcul : j’avais 20 ans (et un piercing au nombril bien apparent sur la radio).
Sans trop pouvoir l’expliquer, j’ai fait une petite fixation sur cet âge. Je me suis dit que je ne me souvenais plus trop de ce que c’était, qu’avoir 20 ans. En cherchant un peu, je ne trouvais que des banalités. On me servait des clichés de la « génération Y » ou « génération Z » et ça me faisait gentiment vomir, parce que le monde est plus complexe que ça.
J’ai vite compris que je m’en fichais un peu finalement de comprendre ce que c’était « qu’avoir 20 ans », j’avais juste envie d’avoir des gens de 20 ans en face de moi, pour leur poser des questions.
Je me méfie comme la peste des formats qui prétendent généraliser des âges, des comportements, des métiers, des gens. J’ai l’impression de passer mon temps à découper, puis redécouper, alors je n’avais pas envie de tout recoller en un grand bloc bien uniforme.
C’était aussi la période où j’avais envie de faire de la vidéo, même sans y connaître grand chose. Quand on y connait rien, c’est très libérateur. On se dit « je vais juste prendre une caméra, mettre quelques lumières, un micro, et voilà ». Bon, en vrai, c’est un métier et pas le mien. Mais je crois qu’ici, ce n’est pas très important.
J’ai décidé de poster une petite annonce sur Internet et de réunir 5 personnes de 20 ans pour leur poser toutes les questions que j’avais, et en faire un film. Ca ne m’intéressait pas de leur demander « alors, ça fait quoi d’avoir 20 ans ? », je voulais leur poser les mêmes questions qu’aux autres, et c’est dans leurs réponses que j’arriverai peut-être mieux à cerner leur jeunesse.
J’ai fait ce post : bicheohmabiche.fr/post/101667195061/20-ans et j’ai attendu les réponses.
Au sujet du casting, je me suis posée pas mal de questions. Comment les choisir ? Comment ne pas faire de gaffe en excluant certains ? J’ai vite tranché en me disant que ce serait impossible de représenter tout le monde, et que ce film n’avait pas la prétention à être un documentaire exhaustif. J’ai décidé de prendre les 5 premiers qui répondraient à l’annonce, ou dont on me parlerait, sans réfléchir. Au moins ça élimine le sujet du choix et donc de la subjectivité. C’est forcément biaisé, mais ça me semble être la démarche la plus honnête possible.
Il y a quelque chose de délicieux dans l’entretien fleuve, sans thème. Il n’y a pas de repère, on ne connait pas le plan, on ne sait pas où on va quand on le mène, et encore moins quand on le regarde. Les conversations sont différentes avec chacun d’entre eux, et je ne sais pas très bien qui d’eux ou moi dirige l’histoire.
De la même façon que je publie sur « A never-ending date » des entretiens longs comme le bras en faisant fi de toutes les règles d’Internet, je voulais faire un film, pas une vidéo courte et séquencée avec de la musique entrainante et un montage rythmé. Je voulais prendre le temps et laisser de la place pour les moments d’hésitation, et les regards gênés.
C’est important pour moi, alors je le répète : ce film n’a pas la prétention de « représenter la jeunesse », ou d’être perçu comme un documentaire. Ce ne sont que 5 personnes qui parlent, et il est même impossible de savoir si ce qu’elles disent est vrai ou pas. Le titre vient de là. Je crois que c’est important de se souvenir que quoi qu’on dise, quelque part, ailleurs, il y a aussi les autres.
(et puis le titre est aussi une obscure référence à un réalisateur qui a mal vieilli)