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jeudi, 26 mars 2015

PROMIS DEMAIN J’ARRÊTE DE BOIRE

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Promis, j’arrête de boire.

Cette phrase, mes potes ont du l’entendre tous les vendredis matins, samedis 14 heures ou encore tous les dimanches après-midis, quand chaque lendemain de cuite, mon cœur balance entre « Putain on s’est vraiment bien marré » et « Mais merde, dans quel état tu t’es encore foutue », à mesure que tu découvres les photos prises au cours de la nuit sur ton Smartphone.

Cette phrase, tous mes camarades de classe me l’entendent dire chaque jeudi soir, quand on se descend quelques canons, aux P’tits Camp’, afin de fêter une journée à chier. « Les gars, promis je m’arrête à une pinte », la deuxième déjà à la main. Évidemment, depuis, plus personne ne veut te croire et les rares fois où tu ne picoles pas en soirée, respectant cette promesse que tu t’es faite, tout le monde te demande si ça va. Si tu ne couves pas un truc. « T’as une p’tite mine ».

Tous les lundis, quand je commence ma semaine avec déjà 20 bonnes minutes de retard, cheveux ébouriffés, la trace du drap encore chaud sur la joue droite, je me promets que le week-end suivant sera moins festif. Qu’il n’y aura plus de picoles improvisées avec les potos. Ni de carte bleue à 60 balles au Saint Sauv’, alimentant le découvert de ton compte en banque. Que cette semaine, je ne boirais plus mes sept ou huit pintes hebdomadaires (ça ne représente que 4 litres maman, ne t’inquiètes pas). Qu’à la place je deviendrais raisonnable et que je ne boirais que quelques demis, ou pire : un Chardonnay. En fumant des Vogue. Avec des talons. Et un slim. Dans le 17ème.

Mais quand vient le mardi, ou le mercredi et que mon début de semaine a été bien trop sage, que je ne suis pas encore sortie de chez moi, que je me suis faite chier à étendre mon linge, à envoyer mes feuilles de maladie à la mutuelle, à faire mes courses au Franprix du coin, à me coucher tôt ou à mater Top Chef sur M6 Replay, bref des trucs d’adulte, mes bonnes résolutions disparaissent. Et à la place, je me mets en quête d’un poto avec qui descendre quelques bières, histoire de me dire, que je n’ai ni quinze ans et des boutons plein la gueule, ni cinquante ans bien tassés et l’emploi du temps d’un préretraité chez LaPoste. Bon, mes boutons squattent toujours mon menton, n’en déplaise à votre humble serviteur… mais au moins je me marre bien, en terrasse, avec mon petit dessous de verre, ma petite binch et mes cacahuètes à 3 francs six sous.

Le soir même en revanche, quand vient l’heure de rentrer, seule, en métro, face aux humains tout fripés et tout fatigués, ou le lendemain matin, après que mon réveil ait sonné 5 fois (désolée coloc’) je me laisse toujours envahir par cette espèce de culpabilité.

Je ne sais pas si tu la connais cette culpabilité toi aussi. Généralement, elle se matérialise par une sale gueule au réveil et une petite voix dans ta tête. Tu ne sais pas trop ce qu’elle marmonne, mais elle fait chier et elle te fait comprendre que la journée va être rude. C’est celle qui te fait dire parfois : « Promis, ce soir je me couche tôt », ou encore « Promis, j’arrête de boire ». Pour d’autres : « Après ce 17 896 ème Choko Bons, je mange de la salade et je vais courir sur le périph, après les 106 break, ça me fera les fesses ». Bref, la même quoi.

Mais de l’autre côté, ton double maléfique te fait déjà de l’œil. Et ce dernier n’en a déjà plus rien à foutre de ton hygiène de vie à l’américaine. C’est bientôt le week-end, tu n’as plus besoin de repos. Tu peux allègrement taper dans ton crédit dodo auprès de la banque du sommeil. Tu rattraperas tout ça samedi matin, ou dimanche… Comme tu le fais chaque week-end depuis tes 16 ans.

Et pour ne rien arranger, y a ta pote aussi, qui donne raison à ton dark side à chaque fois que tu lui confies, la boule au ventre et la goûte de transpi dégoulinant de ton cœur chevelu, que tu crois être alcoolo, que t’as peur que tes parents s’inquiètent, et qu’elle, elle te lâche : « Tu sais, tu peux planter les arbres à l’envers, tant que tu traces ta vie… ». Avec un air un peu évasif tu sais, un truc à la Candeloro. Bien sûr, la première fois que tu as entendu ça, t’as rien pigé, t’as ri plus fort et tu lui as demandé pourquoi on te parlait jardinage quand tu te voyais déjà aux A.A, à dire bonjour aux poivrots du PMU, « Coucou, je m’appelle Ann-Flore et j’aime bien la binouze ». Leur gros nez rouge dodelinant de-ci, de là.

Apparemment, c’est une maxime qui lui vient de son papa. Un vrai Sage le gars, avec un S majuscule, comme quand Gandalf revient des enfers et qu’il n’est plus un magicien gris comme une vieille chaussette coincée dans le tambour de ta machine, mais tout blanc. Un vrai Sage quoi, un vieux de la vieille. Un dur à cuir, ou comme dirait papa « Un gars qu’à d’la bouteille ».

Quand t’as compris que ça t’arrangeait bien et que la vie en fait c’est chiant si on déconne pas un peu, cette phrase est devenue ton moto préféré. Ton slogan contre vents et marées. Depuis tu lèves ton verre et tu clames à qui mieux mieux qu’il faut planter les arbres à l’envers, ou un truc dans le genre, tu ne sais plus trop. Il était tard la première fois que tu l’as entendu.

Ann-Flore

Ann-Flore est née en 1990 et possède une superbe collection de papillons sous verre. Si cette jeune banlieusarde (qu'il est moche ce mot) rêve de monter une friperie spécialisée dans les années 50 et 70, elle termine pour le moment ses études et navigue entre communication et rédaction. Elle a en plus la gentillesse d'être réactive et rapide, ce qui n'est PAS FRANCHEMENT LE CAS de la majorité d'entre nous.