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lundi, 10 avril 2017

REPORTAGE EN FRIENDZONIE

Par
illustration

T’avais pas payé ton billet
Mais on t’y a quand même envoyé
T’as demandé quand tu reviendrais
Et ça n’avait pas été évoqué
(en choeur) C’est un voyage de toute la vie,
La friendzonie.

Au début tu l’as trouvé très beau et puis tu l’as trouvé très drôle, ce qui est déjà pas mal en 2017 pour un mec célibataire de 30 ans vivant à Paris. A dire vrai, il aurait été l’un ou l’autre c’était déjà bien. Franchement, on va pas se mentir, t’es plus trop regardante, faut voir tous les teubé qu’il y a déjà à ton tableau de chasse.
Comme t’as pas vraiment assimilé tous les codes de la chope, t’es allée sur les terrains foireux que tu connais bien. Tu ne t’es pas touché les cheveux (une demie heure pour les lisser, t’as pas que ça à foutre non plus de ton temps libre), t’as pas laissé des blancs envoutants, tu t’es pas mordu les lèvres. T’as pas non plus laissé trainer ta main sur la sienne un peu trop longtemps.
Du coup t’as fait quoi ?
T’AS FAIT DES BLAGUES.
Alors ça cocotte, toi et les blagues, c’est comme les blinis et le tarama hein, impossible de vous séparer. T’en as fait plein. T’as voulu montrer que t’étais fraiche et pétillante, que tu connaissais plein de trucs, t’as étalé ta science comme le beurre de cacahuètes sur tes krisprolls le matin, tu t’es goinfrée et t’as fait ça bien.
T’as pas su trop jouer avec ton côté inner mégabonne, c’était pas faute d’essayer de coller ton sein droit avec ton sein gauche, c’était bien tenté mais ça rendait pas comme à la télé, du coup après deux bières t’as pas insisté, t’étais drôle c’était déjà bien, putain, il s’attendait à quoi ? T’es pas une ancienne Miss Météo sur Canal plus non plus (et sans déconner, c’est pas difficile d’être plus rigolote qu’Ornella Fleury, comme quoi on peut pas faire les deux).

Et puis au bout d’une heure, tentative de rapprochement, il a posé sa main sur ton épaule et il t’a passé un bout de papier. Il avait l’oeil rieur. T’étais un peu excitée. C’était quoi ? Son 06 ? Le numéro de sa chambre ? Un poëme-initiale avec les lettres de ton prénom ?
Ca ressemblait à un billet d’avion.
C’était ton ticket pour la Friendzonie.

« Ah. Bah. Euh. Merci ? »

Quel beau voyage en prévision. Pas besoin de passer par une ambassade pour la Friendzonie. Pas de « bonne meuf ban » non plus, c’est cette terre d’asiles pour tous les losers de l’amour, les gens qui savent pas se demmerder avec la drague, les gens avec qui « y’a pas de frisson, ce petit courant électrique tu vois, je sais pas comment t’expliquer«

La Friendzonie franchement ça peut être sympa. Des fois c’est toi qui paie le ticket « non, vraiment, ça me fait plaisir, c’est pour moi« , des fois tu y es cordialement invitée. Le meilleur c’est quand t’as réservé ton billet pour l’autre et que c’est lui qui te propose de passer. Une invitation mutuelle, un voyage agréable tous frais payés entre vrais copains.
La Friendzonie c’est limitrophe de plein de pays sympas dans lesquels tu rentres pas ou juste une fois. Ya la PQR (appelée aussi la république des plans culs), pour laquelle les visas ne durent pas longtemps. Tu peux y retourner souvent mais bon une fois que t’as visité…..Il n’y a plus rien à découvrir, tu vois ? Mais il y a surtout la destination qui met des paillettes dans les yeux, celle qui retourne le bide, le Turk and Caicos des relations,

Le Pays de l’Amour.

Si c’était des départements français, le Pays de l’Amour, ça serait les Alpes Maritimes. Un truc entre mer et montagne, des sensations de taré et un malaise constant, un pays qui sent le bonheur et la tranquillité d’esprit et pourtant t’es un peu tendu, tu sais que ça peut vriller, c’est un département UMP. Tu sais en plus que les vacances ça se termine vite et t’aimerai en profiter, du coup tu sais plus donner de la tête et puis faut rentrer.
La Friendzone, c’est l’Eure et Loir. Non mais c’est chouette hein, mais bon, tu fais quoi en Eure et Loir ? Trop tranquille. Tu commences rapidement à avoir tes petites habitudes, tu achètes une jolie maison dans un lotissement. C’est la sécurité, la paix, le bruit des petites rivières. On y est bien, mais c’est pas aussi excitant.

Destination pour les connards qui ont de la chance, le Pays de l’Amour, c’est un peu comme le Paradis, le vrai, pas celui de Michel Polnareff, ya beaucoup d’appelés et peu d’élus. Et ils sont malins là-bas, c’est une nation de gros privilégiés qui savent que l’herbe n’est pas plus verte à côté.
Du coup, tu peux plus rentrer dans le Pays de l’Amour une fois qu’il y a le tampon de la Friendzonie sur ton passeport. C’est comme ça, c’est les lois. Tu restes coincée à la douane, et comme un petit chien dans une animalerie, tu regardes par la vitre les gens qui partent, qui y restent plus ou moins longtemps. L’aller a l’air sympa, le retour est toujours plus dur. Beaucoup de personnes reviennent en chialant, comme si ils étaient des parents de divorcés qui revenaient de leur semaine chez maman. C’est une destination à risques, le Pays de l’Amour, mais il parait que c’est tellement beau que ça vaut grave le coup.
Des fois t’as bien géré, t’as ton ticket et tout, et tu te prends un surbooking dans la face. Et près du but, en plus, tes bagages sont dans la soute et tout. Mais bon. Plus de place. Et la compagnie est tellement nulle qu’on arrive jamais à te mettre sur un autre vol. Faut être patient. Des fois ça n’arrive jamais. T’as raté ta chance et puis c’est tout. Alors si en plus t’as décidé de rester à l’aéroport comme un gros con en attendant un désistement… Ca s’ébruite pas trop, mais il y a des gens qui sont morts comme ça.

Des fois quand tu es en Friendzonie et que c’était pas vraiment l’endroit où tu souhaitais passer ta vie, tu tentes de passer discretos au Pays de l’amour. Comme un crevard qui se croit au dessus des lois. Sérieusement, les gardes frontières sont supers vénères, et tu peux jamais traverser. Ou bien ils te font passer en PQR. Et ça vraiment ça se fait pas. Tu repars avec ton petit texto « je crois qu’on a fait une bêtise » en souvenir et sur ce coup-là, on va pas se mentir, tout le monde préfère ramener un toblerone géant, surtout quand ya des éclats dedans.
Des fois même, si tu te fais repérer par la douane en toute illégalité, tu perds ta nationalité. Ils sont gentils en Friendzonie, mais faut pas déconner non plus. Comme si personne n’avait déjà essayé, c’est bon, ça coute rien de tenter sa chance. Et là mon petit père, t’as beau argumenter comme tu veux, c’est direct la terre d’asile, retour à la case départ, le Royaume des « non merci« .

Et l’autre qui insiste « Je croyais qu’on était amis«

Bah, merci Captain Obvious, on ne peut être que ça de toute façon en Friendzonie.

Du coup, accoudée au bar, t’as pris son ticket et t’affrontes son air goguenard. T’as bien réfléchi.
Tu y vas souvent en Friendzonie et franchement, tu pourrais écrire le guide du Routard : c’est limite si on t’accueille pas avec un collier de fleurs et qu’on demande des nouvelles de ta petite soeur.
Tu t’es donc levée gentiment, t’as rendu le billet, t’as payé ton verre, et t’es partie. Cette fois-ci t’es plutôt destination « Non Merci ». Tes copines te l’ont souvent répété : tu devrais y aller plus souvent, c’est joli aussi.

Marine

Leader Autoritaire
Marine est née en 1986 et vit avec un petit chien trop mignon. Après avoir joué avec des groupes de filles ultra classes d'après les autres membres (Pussy Patrol/Secretariat/Mercredi Equitation), elle gagne sa vie en écrivant sur des sujets cools et se la pète déjà un peu. Ca ne l'empêche pas de traîner en pijama dégueulasse le dimanche en essayant de twerker mal sur du William Sheller. L'AMOUR PROPRE C'EST DÉMODÉ OKAY.

Adèle Beaumais

Adèle est née en 1992 et je suis super jalouse parce qu'elle possède une collection de tasses à café de la Reine d'Angleterre. Diplômée de l'ENSAD en image imprimée, elle est dorénavant illustratrice et sert aussi des bières à la SMAC de Rouen, le 106. Elle rêve d'avoir un bateau pour vivre dessus, et t'inquiète que si ce jour arrive, on la motivera de ouf pour monter des croisières Retard. PRÉPARE TOI A NOUS VOIR RABOULER ADÈLE.