J’aime pas le métal. C’est vraiment pas mon truc. Trop de hurlements. Trop de guitares qui servent à rien sauf à te niquer les tympans. J’ai jamais aimé.
Mais c’est un peu comme ma mère qui a toujours écouté Véronique Sanson, mon frère a toujours écouté du métal, ça fait partie du fond sonore de mon adolescence.
Du coup, il y a trois ans, j’étais allée au Hellfest, comme ça, parce que mon frère y allait, que je venais de me faire larguer et que devoir utiliser un sonotone pour le reste de ma vie à cause de trois jours quand j’avais dix-neuf ans, ça me paraissait une bonne idée.
Et puis finalement, j’avais bien rigolé. Du coup, puisque la fratrie au complet était pour une fois dans le même pays, on y est retournés.
Sur place par contre, même si j’ouvre pas la bouche, ça se voit que j’écoute pas Behemoth au petit déjeuner. D’ailleurs, je crois que j’ai fait peur au mec du point eau avec mon t-shirt de gamine de douze ans, parce que pour deux bracelets-douche à six euros, il m’a rendu dix-huit euros sur vingt. Ça doit éblouir, les rayures pastel.
Je pourrais devenir blogueuse street-style juste pour le Hellfest, tellement j’adore les tenues des gens. Entre ceux couverts de sang de porc qui se lavent pas pendant quatre jours et les gothiques / steam-punk avec leurs ombrelles et leurs jupons de malade mental qui traînent quinze kilos de boue, il y a de quoi cligner des mirettes.
Je dis ça, mais j’aurais bien piqué son sweat.
Il y a la tendance récurrente des mecs habillés en filles (mention spéciale au jeune homme en minijupe et perruque à la Scarlett Johansson dans Lost In Translation), je sais pas trop ce qu’on est censés en retenir, mais j’imagine que ça doit faire du bien de s’aérer quand il fait chaud, vu qu’ils finissent tous à poil à un moment donné.
Nan, mais c’est bien, c’est des souvenirs et tout, surtout qu’il l’a jamais lavée. Ça remonte, le lycée.Après, la dépression permanente, pour moi, c’est les vestes en jean sans manches couvertes de patchs de groupes. J’étais au lycée avec un mec qui s’appelait Marco, et déjà à l’époque, sa veste, c’était la faute de goût suprême et elle était déjà dégueulasse. Alors là, j’étais contente, parce que le Marco en question et sa veste à patchs immonde, il campait au même endroit que moi alors j’ai pu l’admirer pendant quatre jours.
Le camping, c’est un peu le Hellfest du Hellfest. T’arrive t’as deux tables qui tiennent debout et un tivoli qui sert de tivoli, tu pars, t’es dans une déchetterie et tu sais plus très bien où sont passées tes affaires.Tu fais des concours de hurlement avec tes voisins de camp, et en deux jours t’as bu toute ta réserve de bière pour quatre jours (et t’avais pris large) et fumé de quoi niquer quinze ans de ta vie facile. Ça veut dire qu’une fois que t’as passé l’option Leclerc du samedi (Leclerc qui demande à l’entrée si on pourrait potentiellement « faire nos courses normalement pendant le Hellfest »), tu troques des trucs, genre du jambon contre un verre de Ricard. Après tu montres tes seins pour une bière. Chaude. Le désespoir conduit à des actes désespérés.
Après je vais voir les concerts, et tout, je suis pas juste là pour me toucher la nouille au camping en buvant des Graffenwalder chaudes.
Sûr, il y a des trucs qui me passent à trois cents kilomètres au dessus de la tête. Genre je suis dé-so-lée les mecs, mais le solo de guitare de douze minutes de Zakk Wylde de Black Label Society c’est chiant à mourir. Alors j’ai dit ça, et j’ai failli me faire taper parce qu’enfin mais tu comprends pas Anna la précision et la dextérité de ce mec mais c’est un demi dieu putain t’es nulle.
Black Label Society
Ça va que je suis mignonne avec ma casquette des Orioles, parce que je risque un peu mon scalp à chaque concert, je veux dire, les mecs avec leur veste de gang, là, je suis pas sûre qu’ils apprécient que je dénigre le demi dieu.
Bon, et puis, je suis mauvaise langue, je ne déteste pas tout ce qui passe dans ce festival, j’irais pas payer cent cinquante euros juste pour voir des mecs avec des tatouages de Burzum dans le dos traîner leurs rangers dans le sable.
Alors cette année, j’ai bien rigolé avec les Dropkick Murphys, et j’ai pris une claque avec Vitamin X, parce que j’aime bien bien le punk hardcore et live, ils étaient hyperchouettes. C’était sous une tente boueuse à souhait et j’ai manqué de me faire éborgner par un taré couvert de boue qui chevauchait un crocodile gonflable et qui m’a sauté dessus. Personne se dit jamais oh putain cette meuf avec ses petits bras elle va jamais pouvoir retenir mon slam. Non. Ils sautent. Tranquillou.
Sinon j’ai vu Ufommamut et Orange Goblin pour la deuxième fois, et je dois avouer que dans la catégorie des groupes que j’écouterais jamais chez moi, ils sont vraiment, vraiment bons.J’ai regretté de pas avoir même juste aperçu Within Temptation, vu qu’on m’a dit que c’était exprès pour les vingt pour-cent de filles du Hellfest. Et je suis allée me coucher pendant Ozzy Osbourne et Biohazard. Sans regret, hein.
Orange Goblin
Au retour, on a bu douze cafés et j’avais peur de foncer dans le bas côté sur l’autoroute parce que six heures de sommeil en quatre jours, c’est pas l’hystérie.Et dans une des stations-service, on a vu un caissier de seize ans à tout casser se faire masser par un vieux glauque. Le Hellfest c’est bien, parce qu’après tu l’emmènes avec toi.